Pour alimenter le catalogue des mesures courtelinesques du plan de sobriété énergétique du Gouvernement, nous ne saurions que trop conseiller aux ministres en charge du projet de loi, la lecture du Journal de Paris consultable aux archives de la BNF. Ils y trouveront, sur le sujet, quelques idées inspirantes. Le journal a publié chaque jour, à partir de 1784 jusqu’en 1840, un bulletin météorologique tiré des observations de l’Observatoire de Paris très populaire auprès des Parisiens et un courrier des lecteurs largement ouvert aux débats du moment.

Dans le numéro du 26 avril 1784, un abonné sur penche sur la question de la sobriété énergétique, une question tout aussi capitale à l’époque. L’extrait ci-dessous présente les propositions phares de ce lecteur très investi. Constatant qu’entre le 30 mars et le 30 septembre le soleil se lève entre six et huit heures avant midi, il dénonce le coût d’un usage excessif de chandelles pendant cette tranche horaire alors que le soleil est déjà sur l’horizon et projette de faire des économies (de bouts de chandelles, l’expression vient de là) en avançant les propositions suivantes où l’absurde le dispute au bon sens :

  • Mettre une taxe d’un Louis sur chaque fenêtre qui aura des volets empêchant la lumière d’entrer dans les appartements aussitôt que le soleil est à l’horizon
  • Etablir pour la consommation de cire & de la chandelle dans Paris le même régime de Police existant pour réduire la consommation de bois pendant l’hiver
  • Placer des gardes à toutes les boutiques de « Ciriers et des Chandeliers »
  • Interdire à chaque famille d’user plus d’une livre de chandelle par semaine
  • Faire sonner toutes les cloches des églises au lever du soleil, et si cela n’est pas suffisant, faire tirer un coup de canon dans chaque rue « pour ouvrir les yeux des paresseux sur leur véritable intérêt »

Pour chiffrer l’économie réalisée, notre lecteur estime que cent mille familles à Paris consomment chaque heure une demi livre de cire, à raison de sept heures quotidiennes pendant 183 nuits entre le 20 mars et le 20 septembre, au prix moyen de 30 soles la livre de cire, soit au total une dépense annuelle assez considérable de 96 millions de livres tournois. Plus de 1,65 Mrds en équivalent euro tout de même. Le budget de la ville de Paris avoisine les 10 Mrds d’euros aujourd’hui.

Notre homme précise que la mise en œuvre de ses recommandations ne devrait poser de difficultés que les deux ou trois premiers jours, mais que passé ce délai, ce nouveau genre de vie paraitra très naturel: « forcez un homme à se lever à quatre heures du matin, il est plus que probable qu’il se couchera très volontiers à huit heures du soir, et qu’après avoir dormi huit heures, il se lèvera sans peine à quatre heures le lendemain matin ».

On est loin de la Wifi et des enseignes lumineuses.