Dans un essai sur les antécédents du « China Watching » publié en 1978, l’historien chinois Lo Hui-min faisait remarquer que si au 18ème siècle, il se publiait plus de livres en Chine que dans le reste du monde, il est fort probable qu’il se publie aujourd’hui plus de livres sur la Chine que sur tout autre pays du monde.

La remarque vaut aussi pour les commentaires de marchés.

Ce post ajoute donc au brouhaha ambiant.

D’abord une histoire.

On raconte que quand Qin Shihuang, le fondateur de l’empire chinois, vint à mourir en 210 av JC, ses conseillers, frappés d’épouvante, n’osèrent pas révéler la nouvelle de peur de provoquer l’effondrement de l’empire sitôt la nouvelle connue.

Il fut décidé de cacher la nouvelle à la population en plaçant un chargement de poissons avariés devant la résidence impériale pour masquer l’odeur du cadavre en décomposition de l’empereur.

Le cadavre du communisme est mort depuis longtemps en Chine, mais le Parti veille toujours à donner le change. L’inscription dans la Constitution de la pensée de Xi Jinping sur « le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère » constitue la nouvelle cargaison de poissons. Après celle de Deng Xiaoping en 1997.

Le leurre a fonctionné, surtout en occident, quand bon nombre d’intellectuels déçus d’un stalinisme devenu infréquentable, trouvèrent à se recycler en sacristains fanatiques de la chapelle maoïste

Plus grand monde n’est dupe aujourd’hui.

Mais on constate toujours une pudeur étrange chez beaucoup de spécialistes des sciences politiques et d’analystes économiques à employer le mot totalitaire pour parler du régime chinois

On imagine mal pourtant un géographe parler de l’Arctique sans prononcer le mot glace ou sable en décrivant le désert saharien.

Des analystes de Bloomberg s’alarment ainsi, au lendemain du XXème Congrès du Parti, de la mainmise de Xi Jinping sur l’ensemble des leviers du pouvoir, « infusant plus de risque dans un monde déjà chaotique » (sic).

Le Think tank SinoInsider note que Xi Jinping « est très préoccupé par la sécurité du régime », et relève que le terme est repris 91 fois dans son discours d’ouverture.

C’est un peu comme s’il fallait s’étonner que lors de sa Bénédiction Urbi et Orbi au dernier dimanche de Pâques, le Pape François avait abusé de la formule résurrection du Christ.

Tout cela manque l’essentiel.

Les courants dominant changent au gré des luttes de pouvoir. Mais si la flexibilité tactique du communisme est considérable, elle est entièrement subordonnée à un impératif stratégique unique et invariable : en toutes circonstances et à tout prix, il s’agit, pour le Parti, de conserver la totalité du pouvoir politique.

La banqueroute économique du pays, la ruine de son crédit à l’étranger, l’anéantissement des efforts d’ouverture de modernisation : rien de tout cela ne saurait entrer en ligne de compte du moment que l’autorité du Parti est en jeu.