L’intrigue commune à beaucoup d’opéras peut se résumer ainsi : le baryton doit empêcher le ténor de coucher avec la soprano. Sa tâche est ingrate et difficile. Les amoureux contrariés chantent leur frustration jusqu’au dernier acte. Le décès de l’un ou le mariage des deux permettent de sauver l’ordre et la morale.

Le baryton, c’est la Banque centrale, s’efforçant de garder le contrôle sur les anticipations instables du marché (le ténor fougueux) pour ne pas endommager l’économie réelle (la soprano délicate). Il y a deux types de baryton : ombrageux, juste et maitre de son destin, comme le Commandeur ou Sarastro, dans Dom Juan et la Flûte enchantée, deux opéras de Mozart ; bavard, inconstant et jouet de la Providence comme le Rigoletto, de Verdi.

La Fed du second Jerome Powell, celui de 2022 et des hausses de taux agressives parce que tardives, est de la première famille. Le Commandeur se venge du libertin Dom Giovanni, son meurtrier et violeur de sa fille Elvira. Sarastro, l’homme de la raison, protégé des passions humaines, guide le héros Tamino (le ténor) dans son initiation et protège Pamina (la soprano). Jerome Powell a repris en main son destin monétaire mais sans chercher à jeter les marchés aux enfers, comme le Commandeur. Il veut seulement ralentir l’inflation sans provoquer l’arrêt brutal de l’économie et restera rationnel, comme Sarastro, au gré de de l’évolution mensuelle de l’indice des prix. Il l’a confirmé la semaine dernière.

Rigoletto est victime de sa langue et le jouet du destin. Une parole malheureuse lui vaut d’être victime d’une malédiction. A la fin du dernier acte, Il organise sans le savoir l’assassinat de sa fille Gilda, réalisant la sinistre prophétie de Monterone. Rigoletto, c’est la BCE de Christine Lagarde. Une communication hésitante, souvent cacophonique voire contradictoire, l’impression tenace d’un flottement d’ensemble laissant craindre, dans un contexte critique, un emballement hors de contrôle.

Le début de panique sur la dette italienne cette semaine sonne comme un avertissement. L’impuissance à contenir une inflation largement importée place de fait hors des mains de la Banque centrale son destin monétaire. Mais la BCE et son gouverneur semblent souvent confondre attentisme et crédibilité. Comme le bouffon Rigoletto, ils présument de leur capacité à naviguer dans le chaos.