La principale dynamique à l’œuvre dans la finance durable aujourd’hui ressemble à ce que l’économiste et mathématicien Nicholas Georgescu-Roegen décrivait dans sa parabole du cyclondrome du rasoir électrique qui consiste à se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à un appareil rasant encore plus vite, et ainsi de suite jusqu’à l’infini.

Si de nombreux acteurs de la gestion financière se sont félicités l’année dernière du refus de la Commission Européenne, en réponse aux demandes de clarification formulées par l’ESMA et l’EBA sur l’article 2 (17) du règlement SFDR, d’encadrer la définition de l’investissement durable en laissant le soin aux professionnels de la finance la responsabilité d’auto-classifier les produits financiers, c’est pour fondamentalement la même raison de nature circulaire. Laisser plus de marge de manœuvre dans la définition de l’investissement durable permet en effet d’étoffer la gamme de fonds durables validant par la même la pertinence d’une définition extensive de l’investissement durable justifiant en retour l’élargissement de la gamme de fonds durables, et ainsi de suite.

C’est très précisément ce processus que décrivent Novethic, la Caisse des Dépôts et l’ADEME dans une étude conjointe publiée en novembre dernier portant sur 161 fonds français classés article 9 SFDR. Les auteurs notent que la lecture des interprétations faites des contributions (au développement durable et à la transition) au sens de l’article 2 (17) montre que les grilles d’analyse des gérants reposent sur une grande variété de sous-thèmes issus d’une mosaïque de transitions dont des domaines sur lesquels n’existe aucun consensus quant à la réalité de leur impact environnemental ou social, comme l’internet des objets, l’intelligence artificielle ou l’agriculture de précision.

Il n’y a certes pas qu’avec le secteur de la finance durable que l’analogie fonctionne puisque la relation circulaire qu’elle décrit s’applique à de très nombreux secteurs d’activité. La surprise réside plutôt dans le constat qu’elle fonctionne aussi avec l’écosystème de la finance durable. La surprise disparaît si l’on tient compte de la confusion fréquemment entretenue entre financement du développement durable et finance durable. La première expression témoigne d’un engagement à privilégier des financements de rupture ou de transition avec le principe de la croissance pour elle-même, la seconde désigne une ligne de métiers dont la persistance et le propre développement reste la logique ultime.

Sortir du cyclondrome du rasoir électrique, conduirait selon Nicholas Georgescu-Roegen à un émondage considérable des professions qui ont piégé l’individu dans le vide d’une régression sans fin. Un émondage souhaitable à l’écosystème des fonds durables.