Je suggérais récemment, avec d’autres, qu’une des raisons aux sources profondes de l’inaction climatique résidait dans l’absence d’un découvreur emblématique, d’un Newton ayant révélé au monde l’évidence d’un effet de serre dû à l’accumulation de carbone d’origine anthropique.
Pourtant, ou plutôt en conséquence, Il est fait régulièrement référence, par les organisations militantes de la cause du climat, de savants précurseurs, découvreurs incompris du réchauffement climatique tel qu’on le comprend aujourd’hui.
Dans un post récent, Time for the Planet mentionne par exemple un « article vieux de 110 ans » intitulé « la consommation de charbon affecte le climat » ». Le post précise que son auteur « avertissait (déjà) sur le dérèglement climatique ».
Cet article, inlassablement cité, est de Svante Arrhenius.
Avec comme souvent dans l’exploitation de cet article, le même problème de décalage anachronique.
La justesse de la cause n’empêche pas celle des arguments utilisés pour la défendre. Elle l’exige même quand la cause est d’intérêt général.
Dans cet article paru en août 1912, le savant suédois, prix Nobel de Chimie en 1903, calculait l’augmentation de la température moyenne annuelle qu’entraînerait une augmentation de la concentration en CO2.
Mais ce n’était pas pour s’inquiéter des conséquences de l’activité de l’Homme sur le climat : il cherchait à rendre compte des climats chauds de l’époque tertiaire, ceux durant lesquels des éléphants et des rhinocéros s’ébattaient jusque dans les régions polaires.
Si la question du réchauffement d’origine anthropique n’était pas complètement absente des réflexions d’Arrhenius, le savant suédois la posait dans des termes très différents de ceux d’aujourd’hui.
Dans « L’Évolution des mondes » publiée en 1910, il fait référence à la croissance rapide de la consommation mondiale de charbon, mais pour s’en réjouir.
Le réchauffement, écrit-il, offrira « au genre humain des températures plus égales et des conditions climatériques plus douces qui permettront au sol de produire des récoltes considérablement plus fortes qu’aujourd’hui pour le bien d’une population qui semble en voie d’accroissement plus rapidement que jamais ».
Pour Lucien Febvre, fondateur de la très féconde Ecole historique des Annales, l’anachronisme est le péché des péchés de l’historien. C’est aussi une tentation pour tout le monde.
La recherche systématique de l’onction du passé, peut aussi aveugler sur le présent, et obérer l’avenir.
Svante Arrhenius, n’est pas le Newton méconnu du réchauffement climatique, ni Jean-Baptiste Fourier ni John Tyndall, tous deux également souvent sollicités pour le rôle.
L’évidence du réchauffement climatique se soutient d’elle-même. Elle n’a pas besoin de prophète mais de courage politique, de pragmatisme et de constance.