Les rappels bienvenus par le Président français et le Premier Ministre britannique au devoir de neutralité du pouvoir à l’égard de l’histoire vont au-delà du débat d’opinion sur la légitimité d’une justice immanente et rétroactiviste. Ils obligent aussi et surtout à se rappeler que l’asservissement du passé aux besoins du présent, le rendant méconnaissable, a été l’une des marques les plus caractéristiques et permanentes des despotismes totalitaires du 20ème siècle.

«Une seule chose est exclue de la toute-puissance de Dieu, parce qu’elle est contraire à la raison de son être ; c’est que ce qui a été n’ait pas été». Ce que la théologie de Thomas d’Aquin avait toujours refusé à la divinité, des appareils de propagande à grande échelle n’ont pas hésité à se l’arroger, ce pouvoir de l’histoire que Napoléon, despote classique, déjà pressentait : «l’Esprit dans lequel doit être écrit l’histoire, voilà, disait-il, ce dont il faut s’assurer avant tout.»

On a fait, comme on sait, beaucoup mieux depuis. Pour les totalitarismes de la race et de la classe du siècle de fer précédent, l’essentiel a toujours été moins de guider l’avenir que de prévoir le passé.