Christine Lagarde a réussi son pari en assurant sa crédibilité sur les trois principaux objectifs de la Banque Centrale Européenne (inflation, croissance, intégrité de la zone Euro). Les termes dans lesquels ce pari toujours renouvelé de la crédibilité se pose ressemblent à ceux du fameux pari de Pascal sur l’existence de Dieu et se heurtent aussi aux mêmes limites logiques. Reprenons l’énoncé de Pascal : imaginons, écrit-il, qu’on parie sur l’existence de Dieu. L’espérance mathématique d’un tel pari peut s’écrire :
(chance que Dieu existe) x (ce qu’on gagne s’il existe) + (chance que Dieu n’existe pas) x (ce qu’on gagne s’il n’existe pas)
En supposant que les chances de l’existence de Dieu soient d’une chance sur cent, que peut-on attendre d’un tel pari en étant croyant ? la formule devient :
(1/100 x bonheur éternel) + (99/100 x rien) = bonheur éternel
Le pari sur l’existence de Dieu est un très bon pari. Car un centième de l’infini (bonheur éternel) est aussi l’infini et que n’importe quelle quantité de rien est égale à rien. Il s’ensuit que si minces soient les chances de l’existence de Dieu, du moment qu’elles ne sont pas nulles, si vous croyez en Dieu, misez sur son existence vous vaut un retour infini. La conclusion est évidente pour un croyant. Parier sur l’existence de Dieu va de soi.
Mais Pascal se préoccupait davantage des termes de l’équation pour un non-croyant. Dans un tel cas, faut-il parier sur son existence ou sur inexistence ? En admettant que les chances de l’inexistence de Dieu soient de 50/50, l’équation devient :
(1/2 x damnation éternelle) + (1/2 x rien) = damnation éternelle
C’est un très mauvais pari. Le dénouement attendu est une éternité en enfer. Là encore, s’il y a la moindre chance que Dieu existe, l’équation demeure toujours aussi sinistre pour un non-croyant. Dans cette hypothèse, son espérance mathématique est infiniment mauvaise.
La principale faille du pari de Pascal est d’ordre logique. Quand on dit qu’il y a une chance sur six au dé de tirer un six, c’est parce qu’on sait que le côté six figure bien sur le dé. Pour traduire en termes mathématiques l’affirmation qu’il y a une chance sur x que Dieu existe, il faut qu’il y ait un monde possible où Dieu existe réellement. Autrement dit, les prémisses du pari de Pascal présupposent que Dieu existe quelque part, prémisses forcément rejetées par un non-croyant. Le raisonnement présente une circularité qui sert évidemment son dessein.
Les débats byzantins sur la crédibilité des banques centrales laissent souvent entrevoir le même schéma circulaire. Les marchés questionnent la crédibilité des Banques centrales comme Pascal joue avec la croyance en Dieu, par un raisonnement faussé dès le départ. La foi absolue en l’existence de Dieu biaise le pari de Pascal. La situation de dépendance quasi totale des marchés financiers aux Banques centrales rend illusoire tout questionnement sur la crédibilité de celles-ci.