Donc, c’est décidé. Une première hausse pour juillet La BCE a fini par choisir la solution offensive. Depuis son annonce début juin, la Banque centrale fait le service après-vente. Des déclarations martiales, comme celle du Conseil des gouverneurs ce matin pointant les méfaits d’une inflation durable. Mais aussi de arguments inédits à l’appui du nouveau credo, comme la publication très récente sur le site de la Banque centrale d’une note présentant son nouvel indicateur de suivi Limi (pour Low IMport Intensity Inflation Indicator). Le Limi s’intéresse à tous les biens et services de l’indice harmonisé européen des prix à la consommation (HICP)les moins sujets à la concurrence internationale. Il montre que l’inflation européenne, largement importée, a également un moteur domestique
C’est décidé mais le cœur n’y est pas, et la crédibilité en pâtit. Il y a bien sûr le caractère inadapté, maintes fois souligné, d’une hausse des taux pour lutter contre l’inflation importée. Il y aussi l’attention permanente prêtée à une conjoncture macro politique fragile et instable. De fait, la volatilité sur les marchés obligataires est historique. Il y a enfin la complexité du mandat officieux de la BCE qui, depuis 2012, associe à ses deux objectifs traditionnels celui du bon fonctionnement du marché des dettes souveraines de la zone euro. La poursuite simultanée de ces objectifs peut s’avérer difficile. Il y a 10 jours, l’annonce de la hausse prochaine de ses taux directeurs par la Banque centrale a déclenché un mouvement de panique sur la dette italienne. Le nouvel outil anti fragmentation devrait lui simplifier la tâche mais sa mise au point devrait prendre du temps car elle suppose des accords politiques forts, tant sur les critères d’utilisation que sur les institutions qualifiées pour leur mise en œuvre.
Tout cela joue, sans aucun doute. Mais la résolution tardivement affichée par la BCE témoigne aussi, et plus profondément, d’un excès de confiance ou d’une illusion sur le poids de sa parole. Comme si son verbe d’essence performative suffisait à reculer sans cesse la perspective d’un changement de cap monétaire. L’idée se rapproche du célèbre paradoxe d’Achille et de la tortue formulé par Zénon d’Elée au V siècle av J-C, et dont on sait qu’il est faux. On en connait les termes, qui se résument à l’impossibilité absurde pour l’athlète, bien plus rapide que la tortue, à la vaincre à la course. Achille doit en effet accomplir une infinité de courses avant de rattraper la tortue. Le paradoxe provient du présupposé qu’il est impossible d’accomplir une infinité de courses en un temps fini. Nous savons que c’est inexact. Car la chose est possible, à condition que les distances soient de plus en plus courtes, qu’elles requièrent de moins en moins de temps, que distance et temps se rapprochent de 0, et qu’enfin les courses raccourcissent à une cadence suffisante.
La tortue BCE finira aussi par se faire rattraper