La Cour Fédérale Constitutionnelle de Karlsruhe est plus qu’une cour suprême pour l’Allemagne. Elle est aussi le creuset où le pays moralement disqualifié a forgé un inédit patriotisme constitutionnel, avatar consensuel d’un nationalisme honni devenu impossible. L’affirmation de cette identité constitutionnelle est une constante de la jurisprudence européenne de la Cour de Karlsruhe, seule cour des Etats de l’Union à vouloir traiter d’égal à égal avec la Cour de Justice de La Haye.
Son dernier arrêt appréciant le rôle de la BCE et les conséquences de son action tranche avec l’esprit coopératif de ses derniers renvois préjudiciels. Sur le fond, la Cour continue de jouer les passe-plats pour les mêmes coalitions bigarrées d’eurosceptiques et d’épargnants lésés par des banques trop fragiles pour absorber le coût des intérêts négatifs. C’est surtout sur la forme, et le ton comminatoire adopté, que cet arrêt surprend. Il constitue plus un facteur de fragilité pour les positions portées par l’Allemagne à quelques semaines de sa présidence du Conseil européen qu’un motif d’inquiétude pour la pérennité de la zone Euro.
« Il est un moyen dans les grandes cours de se grandir, c’est de se courber » disait Saint Simon. Mais Karlsruhe n’est pas Versailles.