Si l’on cherche le principe guidant Jerome Powell dans sa communication avec les marchés, on peut le trouver dans le style d’écriture en boustrophédon allant de droite à gauche puis de gauche à droite. Utilisé en Grèce archaïque jusqu’à la réforme d’Archinos en 403 av JC à Athènes, ce type d’écriture tire son nom de la marche du bœuf de labour revenant sur ses pas à la fin de chaque sillon creusé dans un pré.
C’est en effet un euphémisme de dire que le ton martial de la dernière conférence de presse du président de la FED après la réunion du FOMC le 31 janvier dernier fut très différent de celui adopté lors de la conférence de presse euphorique de décembre qui suivait un exercice beaucoup plus rigoriste en novembre. On a remarqué l’usage de l’écriture en boustrophédon chez l’enfant, chez certaines personnes très âgées et chez celles atteintes de troubles de la pensée. A notre connaissance, Jerome Powell n’appartient à aucune de ces catégories.
Mon associé Philippe SCEMAMA explique la communication ondoyante du président de la Fed par le sophisme du tireur d’élite texan (« Texas Sharpshooter Fallacy ») dont la réputation flatteuse cache une vile tromperie consistant à tirer sur sa grange et dessiner des cibles autour des impact de balles.
Aucun changement significatif du contexte macroéconomique n’est pourtant à relever, ni sur les créations d’emplois toujours robustes (>250K en moyenne sur les 2 derniers mois), ni sur l’inflation sous-jacente, toujours en baisse très graduelle (3,9% en décembre, 4% en novembre), mais toujours loin de l’objectif de 2%.
Plus profondément, ce pilotage velléitaire reflète la difficulté, à ce moment du cycle, à ne pas compromettre l’ambition hautement désirable de l’atterrissage en douceur des économies sans trahir l’engagement martelé par l’intégralité des banques centrales à ramener durablement l’inflation à l’objectif strict des 2%. Sur ce dernier point, le caractère unique, dans l’histoire de la politique monétaire, de l’unanimité créée sur cet objectif n’a pas été assez souligné. Par ailleurs, le souvenir des errements de diagnostic sur le caractère transitoire de l’inflation, maintenus jusqu’à l’automne 2021 à la FED, garde encore une réelle force de dissuasion. A moins d’une évolution brutale du contexte macroéconomique, il paraît déraisonnable d’attendre une première baisse des taux avant la fin du premier semestre.
Depuis la clarification sous pression de Jerome Powell, le marché n’anticipe plus de baisse en mars, mais continue d’affecter 100% de probabilité à une baisse de 25bps en mai.
Le regain de volatilité, contenue observé, depuis le début de l’année sur les taux courts et longs aux Etats-Unis et en Europe (35 bps d’amplitude maximum sur les points de courbe 2 ans et 10 ans) devrait donc se poursuivre à mesure que les banques centrales augmenteront la fréquence d’ajustement des anticipations du marché sur le calendrier des baisses.