C’est un héritage paradoxal du Quantitative Easing (QE) mis à jour par les hausses de taux actuelles. On le sait, la plupart des principales économies ont profité des programmes d’achats massifs mis en œuvre post GFC (Great Financial Crisis) par leurs banques centrales pour rallonger la duration de leur dette et diminuer ainsi la sensibilité de leur coût de funding à la hausse des taux. C’est du moins la réalité si l’on considère le bilan de l’Etat seul.
Mais dans une perspective de consolidation comptable, en consolidant donc le bilan de l’Etat et celui de sa banque centrale, une institution sui generis dont il détient entièrement le capital, la réalité n’est plus la même. Dans cette projection alternative mais parfaitement cohérente, l’Etat financé apparemment à long terme par la banque centrale voit paradoxalement augmenter et non diminuer la sensibilité de sa position financière à la hausse des taux d’intérêt. Comment ?
De deux manières :
1) Par le mode de financement du QE par la banque centrale qui induit par construction un financement overnight. Décomposons les étapes d’une opération de QE : les achats de titres se font essentiellement auprès des banques qui les ont acquis sur le marché primaire à l’émission (en Europe du moins où le financement direct des Etats est interdit par les traités). La banque centrale va alors acheter les obligations en réglant les banques en droits de tirage sur la monnaie banque centrale (l’agrégat M0), en l’occurrence en réserves excédentaires et non pas en cash, autre composante de la base monétaire (avec les facilités de dépôt), mais qui reste entièrement déterminée par la demande.
Ces réserves, instruments à part entière de la politique monétaire, portent une rémunération tombant à zéro tant qu’elles ne sont pas entièrement absorbées. Les réserves sont donc de fait liées au taux overnight.
2) Par le compte de résultats de la banque centrale alimentant directement le solde financier consolidé de l’Etat. On vient de le voir, le mode de financement, des programmes d’achats d’actifs longs, payés en réserves banques centrales, ont par construction et paradoxalement augmenté la sensibilité des bilans consolidés des Etats à la hausse des taux d’intérêt. Cette sensibilité plus importante se matérialise par la hausse de la charge d’intérêts payés par les banques centrales, mais aussi par la baisse des versements effectués par les banques centrales aux Etats. Ces versements ont constitué une source de revenus non négligeable, équivalents à 6% en moyenne des paiements d’intérêts effectués par les économies avancées (au sens du FMI) entre 2010 et 2021. Il sont tombés à zéro l’année dernière et peuvent être négatifs en cas de pertes de capital non couvertes par les provisions constituées les années précédentes.
L’illustration ci dessous représente schématiquement les étapes du raisonnement.