Dans les aventures d’Astérix chez les Goths, le druide débile est une figure mineure du rassemblement annuel des druides dans la forêt des Carnutes. Mais il est recherché par le sage Panoramix pour sa disposition d’esprit particulière à considérer comme normale l’idée d’aller déraciner un chêne à mains nues.

Les marchés financiers manquent indéniablement de ces esprits orthogonaux. Ils n’ont pas l’instinct grégaire.

Le druide débile n’aurait pas été surpris par le caractère unique des marchés obligataires de cette année. Il y aurait vu une simple normalisation.

La journée de vendredi en constitue un bon échantillon :

  • Le taux 10 ans allemand a franchi 2% (- 0,12% au 1er janvier), une première depuis dix ans
  • Le taux 5 ans anglais en hausse de 50 bps en quelques minutes, une première tout court
  • L’inversion, historique elle aussi, de la courbe swap européenne, à – 80 bps entre les points 2 ans et 30 ans, contre 120 bps en moyenne depuis 20 ans
  • L’Euro au plus bas contre dollars depuis 2002
  • Un cumul de 500 bps de hausses des taux directeurs décidées par les Banques centrales sur la semaine

Dans ce contexte, il n’est pas impossible que les fonds obligataires affichent cette année une performance moyenne inférieure aux fonds equity. C’est totalement inédit en phase de « bear market ».

Pour mémoire, la baisse de l’indice Euro Stoxx 50 tangente – 25% depuis le début de l’année, contre – 18% en moyenne pour les gros des indices Fixed Income de type Aggregate.

Et – 5% seulement en 1994, année référence en matière de krach obligataire. A l’époque, les taux courts étaient à 3% quand la Fed a amorcé sa phase de resserrement monétaire, contre 0% en janvier dernier. L’effet duration, le portage, et l’absence de titres crédit dans les portefeuille – le marché était embryonnaire – expliquent cette différence.

Alors que faire ? Faut-il investir sur les marchés obligataires ?

Oui, plus que jamais. Le dividend yield de l’Euro Stoxx affiche 3,5% en moyenne ? c’est le taux moyen d’un titre en euro noté BBB à 2 ans. En poussant à 5 ans, les 5% sont en vue.

Toute l’idée est là : jouer le portage, mais en duration neutre. Les spreads de crédit ont énormément décalé et les taux vont encore monter. Les titres notés B- et CCC traitent désormais à des niveaux de dettes distressed. Seul le marché de la dette privée semble avoir du retard.

En résumé : couverture du risque de taux, portage sur le crédit (jusqu’au BB, c’est très suffisant), portage sur l’inflation (8% sur des linkers à 10 ans). Choisir plutôt des fonds opportunistes que des fonds datés : le contexte change trop vite pour se lier autant les mains et le risque d’exécution est sous-estimé.

« Les intérêts composés sont la 8ème merveille du monde : celui qui les comprend s’enrichît, celui qui ne les comprend pas les paie ».Depuis la fin des taux à zéro, la formule prêtée à Albert Einstein redevient pertinente.